Un nouvel espace d’art contemporain vient d’ouvrir ses portes rue Tu Xuong dans le district 3, face à l’ancienne école française Colette. Au fond d’une cour, Blanc Art Space propose actuellement une exposition de photographies de Phan Quang, intitulée « Recover ».
Longtemps photo-journaliste, Phan Quang, né en 1976 à Binh Dinh, a publié son travail dans de nombreux médias asiatiques et occidentaux, dont le magazine Forbes et le New York Time. Aujourd’hui davantage tourné vers la photographie d’art contemporain, Phan Quang a réalisé à partir de 2011 un travail remarquable sur une période historique peu connue au Vietnam. Il s’est intéressé à l’occupation japonaise de 1940 à la fin de la Seconde Guerre mondiale en 1945. Et plus particulièrement, aux femmes ayant eu une relation avec des soldats japonais pendant la guerre. Il a retrouvé quelques-unes de ces femmes et leurs enfants issus de ces liaisons longtemps cachées. Ces femmes, pour lesquelles ces relations avaient été consenties (la majorité d’entre elles ne l’ont pas été) et qui s’étaient mariées avec ces soldats, ont espéré le retour de leur mari et père de leur(s) enfant(s) tout comme ces familles vietnamiennes ont toujours souhaité être reconnues au Japon. Mais les Japonais avaient, pour la plupart, déjà, une famille dans leur pays.

Phan Quang, qui a lui-même séjourné au Japon, a ramené un long voile blanc traditionnellement fabriqué dans un petit village près de Kyoto. Il a eu l’idée d’utiliser ce voile, habituellement réservé aux jeunes mariées, pour couvrir (« cover ») les familles qu’il a retrouvées au Vietnam et les prendre en photo dans leur intérieur. Ce voile symbolise à la fois l’intimité de ces familles qu’il voile et dévoile (« Re/cover ») tout à la fois. D’une grande sobriété, ces images ont un caractère émotionnel fort. Certaines femmes posent avec la photo de leur mari défunt. Elles ont su faire face à ce passé tumultueux pour continuer à vivre et élever leurs enfants dans la dignité, alors même qu’elles étaient ostracisées au sein de la société vietnamienne. Comment faire une généralité de toutes ces histoires individuelles? Comment juger ce qui nous échappe? Ces femmes ont fait la paix avec un passé qui leur appartient.



L’exposition Recover, conçue par le curateur Nguyễn Như Huy, a été présentée à Singapour et à New-York. Phan Quang a obtenu le Sovereign Asian Art Prize en 2015 pour ce travail magnifique.
Belles photos pour des histoires de tout continent
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