Camille Poussier a parcouru un long chemin. En peu de temps. Derrière la grâce de ses gestes lents et aérés, la jeune styliste cache un savoir-faire indéniable. Ne pas se fier à ce qui semble être de la timidité. Camille Poussier est aujourd’hui une femme accomplie, sûre de ses choix et déterminée quant à l’avenir. Au fait, Camille est Corse…
J’avais rencontré Camille Poussier voilà plus de deux ans. A l’époque, elle venait de lancer sa marque de vêtements pour femmes, Nua. Elle avait 30 ans et la folle envie de créer. Créer « pour une femme mystérieuse, élégante et féminine. » Dans sa tête, déjà, il y avait les femmes de Corto Maltese. « Il y a toujours, assure-t-elle. Et le voyage. »
Camille Poussier est arrivée au Vietnam en 2011. A Paris, elle travaillait dans le milieu de l’édition, après des études en anthropologie, spécialité Asie. « J’ai toujours aimé le processus de création, y compris avec les mots. » Camille a des fourmis dans les jambes. Elle décide de partir tenter l’aventure au Vietnam, avec, derrière la tête, une envie de créer des vêtements. La jeune femme a de qui tenir: « mes deux grands-mères ont toujours fabriqué leurs vêtements. L’une était Corse vivant au Maroc, l’autre, épouse de diplomate. Elles m’ont transmis le goût des matières et des couleurs. J’ai retrouvé des robes d’ambassade avec des broderies afghanes… Des choses magnifiques! J’ai hérité de la machine à coudre de ma grand-mère maternelle. » De sa propre mère, elle héritera d’un goût prononcé pour le vintage. Pendant cinq ans, elle vend des vêtements vintage sur Internet et chine à Paris. Beaucoup. « J’ai récolté énormément de matières, des vieux rubans, des dentelles etc. J’ai aussi collectionné des patrons des années 1900 aux années 80. C’est ma base de travail aujourd’hui. »

Pour sa dernière collection, intitulée ORIHIME (tisseuse en japonais), Camille a utilisé beaucoup de ces trouvailles merveilleuses. « J’ai utilisé ces vieilles dentelles françaises faites à la main de la génération de ma grand-mère pour les intégrer à des tops dos-nus. Il y a aussi ces rouleaux de mousseline de soie faite en France que j’intègre à des tops ou des foulards. » Camille a également eu la chance de rencontrer Maïko, fondatrice de l’association Maïko Project, dont les patchworks surpiqués sont d’une grande beauté. « Grâce à elle, j’ai réalisé des patchworks japonais avec des chutes de tissus (Camille s’est engagée contre le gaspillage de matières) en cols, en ceintures et en foulards. »


Le coton, le lin et la soie sont ses matières préférées. « J’aime ce qui est flou mais seyant. J’essaie de réaliser des modèles féminins sans entraver le corps de celle qui les porte. La femme que j’habille? Je la vois naturelle et lumineuse. J’aime les coupes basiques mais fluides, j’aime ce côté habillée sans l’être. Je tente de trouver un équilibre entre des modèles casual et des vêtements plus raffinés. » Pour cette collection ORIHIME, la jeune styliste a préféré les basiques comme le no-short, le pantalon de marin, le top caftan… dans des couleurs pastel fraîches et douces.
Et puis, il y a la collection homme. Car depuis février dernier, Camille Poussier habille aussi les messieurs dans des modèles très masculins. « L’homme Nua est un baroudeur, mais tout en élégance. Comme Corto Maltese. C’est un voyageur raffiné. Il a besoin de vêtements confortables et un brin habillés. » Elle travaille le coton et le lin dans des couleurs aquatiques, des camaïeux de bleus, du vert cendre, du kaki et du beige… pour réaliser des chemises, des pantalons, des vestes et des foulards. Des accessoires aussi: « le noeud papillon marche très bien! »

Camille Poussier a des projets plein la tête. Un retour prochain en Corse, l’ouverture d’un magasin sur sa terre natale tout en gardant sa production au Vietnam. De ces 4 années passées ici, Camille garde le souvenir d’une « étincelle ». « Ce temps-là s’est révélé être une formation formidable tant humainement que professionnellement. Tu démarres petit mais tu as le temps de grandir tranquillement. Tu as accès aux matières, aux artisans et aux fabricants. Et puis j’étais inspirée aussi par toutes ces communautés différentes; il y a un vivier incroyable en termes de cultures, de langues, d’énergies, de projets! Tu te sens portée parce que cette ville et ce pays ont cette dynamique incroyable. « Voilà c’est fait. Nua s’est envolée.